Un petit coup de gueule !
Un reportage au JT, ce soir… France 2…
Un héroïque père de famille quitte sa famille… Adieux déchirants. C’est vrai, c’est triste une famille qui se sépare…
On est à La Rochelle, l’homme embarque sur un esquif… Va-t-il traverser l’imprévisible océan ? Risque-t-il sa vie pour une découverte majeure ? Va-t-il trouver le moyen de survivre en milieu hostile, tel un Alain Bombard du jour d’aujourd’hui ? (Vous aurez compris que j’exècre cette expression…)
Il pose un pied qu’il souhaite marin sur le bateau… Ses enfants, sa femme, sur le ponton, le suivent du regard, fiers et inquiets… Instants déchirants…
Le bateau l’emporte…
A quinze minutes de navigation… sur un chalet posé sur l’eau, nommé « phare du bout du monde », invention touristique de notre monde. C’est terrible, il va passer… 24 heures dans cet endroit, pour lequel il a payé 50€, loin de tout, sans connexion (n’est-ce pas cela le plus difficile ?). Rassurez-vous, l’endroit ne sert à rien ! Ce n’est pas un vrai phare qui assure la sécurité des (vrais) bateaux ! C’est seulement une cabane sur pilotis, avec terrasse. Monsieur fait ses exercices de gainage, allongé sur l’océan. Enfin, l’océan, à 15 minutes de navigation de La Rochelle, cela reste quand même l’estuaire… Il dispose d’un lit de camp, et de toilettes sèches (sur l’océan mouvant, quelle ironie !).
C’est vraiment terrible, cette solitude, seulement entouré par des caméras et des journalistes… Comment va-t-il survivre dans ce milieu si hostile ?
Revenons quelques moments en arrière… L’homme déclare avant de partir que le plus difficile est de ne pas pouvoir aider si sa famille a un problème. Soyons rationnels. 15 minutes de navigation... Cela signifie qu’en cas de problème, il se trouve à 30 minutes de distance. Le journaliste nous précise que pour ce « parisien » c’est une expérience inédite. Mais soyons honnête, pour un parisien, que sont 30 minutes de déplacement ? A-t-il objectivement des raisons de craindre un tel éloignement ? Non. Si sa famille a un problème en région parisienne, il n’aura pas davantage de pouvoir d’intervention… Et pas moins de temps pour se déplacer…
Alors quoi, la télévision nous présente un héros des temps modernes, un aventurier hors du commun ? Mais qu’est-ce que la télé a d’autre à montrer ? C’est l’été, on est dans l’après (ou le pendant encore, peut-être) crise sanitaire, il faut faire de la promotion pour le tourisme national. Mais est-on obligé de nous faire prendre des vaisseaux pour des lanternes de phare ? N’y a-t-il pas, de par le monde, d’autres héros à nous montrer en exemple ? Des humains qui prennent de vrais risques, pour sauver d’autres personnes ? Des pompiers qui perdent la vie parce que d’autres ont allumé une clope au mauvais endroit ? Des soignants qui risquent en permanence de contracter un microbe, un virus (et je ne parle pas seulement du Covid) ; des militaires qui tentent de sauver des populations sous les bombes, des humanitaires qui quittent leur famille pendant plusieurs mois pour apporter un peu d’humanité là où elle fait défaut ?
Notre société manque-t-elle à ce point de repères qu’elle ait besoin de nous montrer en modèle un parisien de 40 ans qui part en camping une journée, à 15 minutes de sa vie ? Sans doute, c’est la prédiction que je formule, cette famille qui peut-être se réjouit d’avoir été « télévisée » aujourd’hui, mesurera-t-elle un jour le ridicule de la situation, et regrettera-t-elle d’avoir été ainsi montée en épingle par une rédaction très peu soucieuse de l’éthique…