Jean-Luc Roquet
Hypnothérapeute, Thérapeute systémique & Tabacologue

Et T.O.C. !...


Il m’arrive parfois, après avoir fermé ma voiture à clé avec la commande centralisée, de revenir sur mes pas et d’appuyer une deuxième fois sur le bouton de verrouillage, en regardant attentivement les clignotement lumineux… Tout simplement parce qu’en m’éloignant la première fois, je n’ai pas été suffisamment attentif à écouter le bruit du verrouillage… C’est ce que l’on appelle un besoin de vérification. Il traduit un manque d’attention au moment présent, une distraction. En soi, cela ne révèle rien de pathologique, c’est tout simplement humain.

 

Pour certaines personnes, ce besoin se fait plus présent, quotidien, et répétitif, au point d’en devenir gênant. Ce trouble psychique (car c’en est un) pousse la personne qui en souffre à, par exemple, rester autour de sa voiture, à tirer plusieurs fois de suite sur les poignées de portières, voire même de les réouvrir pour les refermer. Il s’agit-là d’un besoin de réassurance, qui peut devenir extrêmement envahissant, bloquant la personne tant qu’elle a la désagréable impression que l’action n’est pas accomplie correctement. La personne peut avoir besoin de revenir plusieurs fois au cours d’un long laps de temps, de revérifier, encore et encore ; cela tourne dans son esprit comme une idée obsédante… C’est plus fort qu’elle, car elle ne peut pas s’en empêcher, cela la fait agir sur des impulsions, des compulsions. C’est ce que l’on nomme un trouble obsessionnel compulsif.

Ces actions ritualisées que l’on a besoin d’accomplir pour se sentir rassuré peuvent toucher des domaines de vie très divers. Les vérifications peuvent concerner les fermetures de portes, de fenêtres, de volets, de portières, d’interrupteurs électriques, de branchements d’appareils, de vannes de gaz, de robinets d’eau ; ou bien des lavages de mains, ou encore des triturations (cheveux, cils, ongles…) ; des contacts sur des surfaces (toucher un carreau plusieurs fois de la même manière ; en conduite, s’assurer plusieurs fois de n’avoir renversé personne, quitte à faire demi-tour pour s’en assurer… Cela peut concerner également des rituels de pensées (chasser les idées négatives ou les pensées de danger, compter dans sa tête, s’obliger à prononcer des phrases…), ou bien des rituels de déplacements (sur les lignes de trottoir, le long des joints du carrelage…) ; ou encore, on va éviter certaines situations potentiellement réactives, comme les ponts ou les autoroutes, ou bien ranger certains objets d’une façon millimétrée, avoir besoin de faire le ménage de façon irrépressible, de vider et re-ranger les placards de vêtements… Nous pourrions multiplier les exemples à l’infini…

Comment cela naît-il ? Eh bien, prenons un exemple avec certains sportifs. Je fais référence à un as du tennis sur terre battue, Espagnol, que chacun reconnaîtra… Si on l’observe, par exemple avant un service, il tourne sa raquette dans la main le même nombre de fois, puis il touche son visage à plusieurs endroits, et tire sur son tee-shirt toujours de la même manière, fait rebondir la balle par terre toujours de la même façon. On ne devient pas numéro 1 mondial sans énormément de travail, sans un farouche esprit de compétition, sans une soif de réussite, sans préoccupation quant aux colossaux enjeux financiers d’une victoire en grand chelem, bref sans stress… Sans doute un stress immense ! Ce stress est probablement un moteur, et sans doute aussi un ennemi que l’on a besoin de garder sous contrôle, pour ne pas le laisser nous envahir. Alors, si on a gardé en mémoire des échecs parce que l’on ne s’était pas préparé de la même façon que d’habitude (en n’ayant pas les mêmes gestes, par exemple…) on s’oblige à agir de la même façon que lors de réussites précédentes. On se rassure, puis on recommence à chaque match. Je me souviens d’une publicité pour une eau minérale vantée par Zinedine Zidane, il y a quelques années. On le voit se préparer pour un match de l’équipe de France, dans les vestiaires, et on l’entend dire : « D’abord la chaussette droite… toujours… Puis la gauche… » Voilà un autre exemple d’un rituel rassurant.

C’est ce que l’on appelle un biais de confirmation : Un homme tape dans ses mains dans un cinéma. Quand on lui demande pourquoi il fait cela, il répond que c’est pour éloigner les éléphants. On lui rétorque qu’il n’y a pas d’éléphants à chasser, il répond que c’est justement parce qu’il tape dans ses mains… Le TOC agit de la même manière, la personne ne mettant plus en doute que son rituel l’aide à obtenir satisfaction ou protection, et surtout ayant peur de ce qu’il pourrait se produire si elle ne l’accomplit pas.

Notre champion donc va adopter toujours le même comportement qu’il ritualise, puisque cela lui réussit… Le problème est que c’est une sorte de superstition personnelle, qui ne repose sur aucune rationalité. Si d’aventure, le rituel échoue à le faire gagner, il aura besoin d’en créer de nouveaux, qui viendront s’ajouter aux autres.

Quel en est le but ? Cela vise à faire diminuer le niveau d’anxiété. Et à court terme, cela fonctionne. Mais à long terme c’est un désastre pour le psychisme, car le cerveau reçoit un message paradoxal : d’un côté, j’éprouve du soulagement instantané, quand je fais mon rituel ; de l’autre mon esprit valide l’existence d’un danger potentiel, puisque j’ai besoin de sécurité, ce qui amplifie l’anxiété. Lorsque le rituel devient envahissant, il ne sert plus qu’à contrebalancer les effets à long terme du stress produit par ces mêmes rituels. Autrement dit, la solution devient le problème lui-même… C’est ce que l’on nomme en thérapie des tentatives de solution, qui, tel l’ouroboro[1], ne font qu’aggraver le trouble. Et quand le trouble s’aggrave, la personne se sent obligée de faire davantage de ses rituels.

En empruntant un exemple plus proche du quotidien, si j’angoisse à l’idée de faire un voyage lointain, je peux par exemple vérifier, faire et refaire mes bagages pour être sûr de n’avoir rien oublié. Si le voyage se déroule sans encombre, une partie de mon esprit peut valider que c’est grâce à ces vérifications, et au retour, je serai tenté de faire la même chose, puis au voyage suivant, puis ensuite dans les déplacements plus courts, je vérifierai mon sac, jusqu’à ne plus pouvoir me passer de le faire… A chaque fois, je tenterai de juguler mon anxiété par ces actions, qui finiront par devenir des habitudes, des routines, et des amplificateurs du trouble… Les TOC sont la pathologie du toujours plus de ce qui ne fonctionne pas. A toutes ces contraintes imposées par le trouble s’ajoutent des souffrances émotionnelles, liées à la honte (souvent les personnes souffrant de TOC tentent de les cacher à leur entourage), à la culpabilité d’avoir ce problème, à l’impuissance de le subir sans pouvoir en sortir seul, à la tristesse de ne pas pouvoir faire sereinement ce que la plupart peut faire, à l’angoisse d’être découvert, et celle que le trouble s’aggrave, au désespoir de ne jamais en guérir… Un cercle infernal de souffrances psychiques qui en fait parfois une torture quotidienne extrêmement douloureuse.

Aujourd’hui, fort heureusement, il existe des thérapies efficaces pour accompagner ces troubles : les thérapies comportementales et cognitives (T.C.C.), les thérapies systémiques stratégiques, les thérapies brèves telle l’hypnothérapie. Il existe également des traitements médicamenteux qui aident à apaiser l’anxiété et l’état dépressif qui accompagne souvent le trouble à long terme.

Si vous vous reconnaissez dans certains des exemples cités dans cet article, demandez-vous quel niveau de gène cela représente dans votre vie. Si cela dépasse 30%, vous pourriez bénéficier d’un accompagnement pour redevenir plus libre…

 


[1] (Mythologie) Représentation d’un serpent ou d’un dragon qui se mord la queue que l’on retrouve dans de multiples cultures. - (Figuré) Quelque chose qui revient sur lui-même, dont le développement amène à un retour à la situation initiale.


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